Florence Meyer : "Islande". Photos, été 2003 / Refuge hanté

Previous Home

Refuge hanté

Notre guide Jokull nous a fait allonger l'itinéraire du jour de 4 Km pour éviter de dormir dans ce refuge qu'il affirme être hanté. Lors d'une soirée un peu arrosé dans le refuge précédent, il nous a expliqué pourquoi il s'était juré de ne plus jamais mettre les pieds dans ce refuge.
Lorsqu'il était étudiant, il devait travailler comme gardien de refuge dans le refuge du Lac des Cygnes (lac auquel est également attachée une légende). Ils arrive au refuge au printemps, il reste encore de la neige. L'endroit est désert, loin de toute piste et bien sûr pas encore fréquenté par les touristes. Il passe sa première journée à faire du ménage, remettre le refuge en ordre, aérer… Dans la grande salle commune, il a mis les lourds tabourets de fer sur la table afin de laisser sécher le sol. Une fois terminé, il va se coucher dans la chambre réservée au gardien, une minuscule pièce que l'on atteint par la cuisine. Il lit un peu et s'endort. Il est brutalement réveillé par un immense fracas, un bruit d'enfer qui dure plusieurs secondes et qui semble venir de l'intérieur même du refuge. Il est d'abord terrorisé et il hésite à sortir de son lit. Après de longues minutes, il se décide à sortir de la chambre, il se munit d'un long couteau dans la cuisine et sort faire le tour du refuge. La porte d'entrée est toujours verrouillée, les fenêtres sont intactes, il n'y a aucune trace de pas alentours.
Son tour fini, il entre dans la grande salle commune, et là stupeur, plusieurs des lourds tabourets sont par terre, mais surtout, certains se trouvent sur les lits en hauteur. Jokull est mort de peur, il ne parvient pas à s'expliquer comment les tabourets ont pu finir si haut. Il renonce à comprendre et se barricade dans sa chambre, espérant finir sa nuit. Il parvient à se rendormir malgré la peur, quelques heures plus tard, il est à nouveau réveillé par des bruits bizarres, il reste un moment dans le noir sans bouger. Il se décide enfin à allumer la lumière et voit que la poignée de la porte bouge, quelqu'un cherche visiblement à entrer. Jokull n'en peut plus, il sort de la chambre par la fenêtre et quitte le refuge en courant, en pleine nuit. Il rejoint un refuge voisin, distant de 4 Km et sera finalement gardien d'un autre refuge.
Son histoire nous a été confirmée par d'autres gardiens de refuge et fait étrange, les deux jeunes gens qui lui ont succédé comme gardiens de ce refuge ont fini en Hôpital Psychiatrique. Jokull a plus particulièrement assisté au déclin du dernier gardien, Enar, car chaque semaine, il y passait (mais n'y dormait pas !) avec des groupes de randonneurs. Au début, le refuge était bien tenu, le gardien, accueillait les visiteurs avec bonne humeur. Petit à petit, le ménage n'était plus fait avec autant de soin, le gardien devenait taciturne. Dans le journal de bord du refuge, les indications étaient lacunaires puis absentes.
Jusqu'au jour où, à la fin de la saison, Jokull arrive au refuge, les poubelles étaient éventrées devant l'entrée. Les rideaux étaient tirés, le gardien était invisible. Jokull va frapper à la fenêtre de la chambre du gardien, il insiste un quart d'heure et enfin le gardien se décide à tirer le rideau. Il a le regard hagard, il est sale, hirsute, il dort au milieu des boîtes de conserve vides…Il parle à peine et Jokull constate dans le journal de bord que les dernières pages sont rageusement remplies de la même phrase " Enar est gentil . Enar est gentil. Enar est gentil… ".
Depuis cet épisode, le refuge a été réaménagé, le gardien dort désormais dans une cabane à part.